Aïkido à Kyoto.
Il faut quand même que je rassure mes amis de mon club d’aïkido de Melun. Ils croient que j’ai poney, et que c’est pour ça que je ne viens plus aux cours depuis trois semaines. Je ne sais vraiment pas qui a pu leur mettre cette idée dans la tête. C’est peut-être quand j’ai dit que j’étais à la poursuite de l’esprit japonais. Alors, je voudrais les détromper : non, je n’ai pas poney. Je fais bien de l’aïkido à Kyoto.
Aïkido au Nishijin-dojo.
C’est évidemment le dojo de référence pour tous les aïkidokas étrangers qui passent à Kyoto. Le dojo est aménagé au rez-de-chaussée dans une petite ruelle du quartier Nishijin de Kyoto. Ce quartier plutôt traditionnel est situé dans le nord-ouest de la ville. Il est surtout connu pour l’industrie textile et la fabrication de kimonos qui émanaient d’artisans spécialisés, remplacés aujourd’hui par une fabrication industrielle.
La porte coulissante donne sur un mini espace à hauteur de la rue, le reste est surélevé de 40 centimètres. Comme c’est l’usage, il faut se déchausser et mettre ses chaussures dans un petit casier. Le kamisa est orné d’un superbe kakemono où sont calligraphiés les quatre signes : shi zen aï dô, qui pourrait se traduire par la voie de l’aïkido « naturel ».
Pour les lève-tôt, le cours est précédé par un zazen qui début à 7h30 le mardi, mais à 6 heures les lundi et mercredi. L’ambiance est très différente du zazen au Daisen-in, plus calme, plus concentrée, plus sérieuse aussi. Nous ne sommes pas très nombreux, à peine six ou sept.
Le zafu est relativement petit. Mais c’est bien ici du zen soto que nous pratiquons. Je ne sais pas trop de quelle école. Pour le rituel, il faut s’asseoir vers l’intérieur, avec la partie blanche portant son nom devant soi, pour on effectue un demi-tour pour se retrouver face aux murs et aux fenêtres. Nous récitons l’hannya shingyo à la fin du zazen. La dernière fois, quand j’avais demandé à Okamoto senseï de quelle école zen, elle faisait partie, elle m’a répondu par les quatre kanjis de son kakemono : shizenaïdô.
Mais la chef du dojo, comme les élèves l’appellent, était absente pour quelque temps. Elle animait des stages en Argentine et au Brésil. Elle est de retour, et c’est elle qui animait de nouveau le cours ce matin, vendredi 19 octobre. En son absence, l’enseignement est confié à ses élèves ou à Chris Mulligan. C’est parfois Tomoko-san, une femme, qui anime le cours. Les formes et les entrées ne sont pas très différentes de celles que nous travaillons à Melun, je ne suis donc pas trop perdu.
L’ambiance au Nishijin dojô est très studieuse et très rassurante pour les étrangers. D’abord, ils ne sont pas tous seuls, puisqu’environ un bon tiers des élèves est étranger, français beaucoup, mais américains aussi, allemands quelques-uns. D’autre part, Okamoto senseï parle couramment français, et Chris parle américain, et pour cause. Contrairement à ses élèves, Okamoto senseï corrige souvent, ou bien interrompt la pratique pour apporter des précisions. Elle est d’une grande exigence technique et d’une grande précision. D’autre part, Okamoto senseï ayant été l’élève de Christian Tissier Shihan, les formes qu’elle enseigne ne sont pas très différentes des formes que nous pratiquons dans notre dojo.
Ce qui change par contre considérablement, c’est la concentration de tous les pratiquants durant les exercices. Presque pas un mot n’est échangé, ou alors vraiment très rarement. Aucun bruit non plus pendant les démonstrations, si ce n’est celui des ventilateurs, car il fait encore relativement chaud et lourd en ce moment à Kyoto. Les élèves disposent également d’un temps de travail libre pendant une heure, où ils peuvent s’entraîner comme bon leur semble.
Pratique de l’aïkido à l’aïshinkan.
C’est le deuxième club que j’ai expérimenté quand je suis arrivé il y a deux ans à Kyoto. Nous y avons été introduit par Sophie Roche qui nous avait présenté à Ogawa senseï. Et j’avais effectué un cours en avril 2016, et un autre en octobre 2016 (n’hésitez pas à consulter mes Carnets de voyage au Japon – Automne 2016 : groupe Kokyu). J’y suis donc retourné cette année. L’aïshinkan est chapeauté par Tanimoto senseï, qui a son dojo à Matsuyama sur l’île de Shikoku, où j’irai certainement dans la suite de ce séjour. De la maison mère, émanent d’autres dojos. C’est Ogawa senseï qui est responsable de celui de Kyoto. Il est absent lui aussi, car il est allé accompagner Tanimoto senseï pour un stage en Bretagne. Je ne ferai donc que le croiser.
La pratique est très différente de celle au Nishijin- dojo. Le dojo lui-même est aménagé au sous-sol d’une rue située près du goshô. Il est équipé de tatamis en mousse. Il y a déjà moins d’étrangers que chez Okamoto senseï, nous étions à chaque fois deux étrangers sur un total de quinze ou vingt personnes. Les cours ne se pratiquent qu’en japonais.
Les formes ne sont fondamentalement pas différentes de ce que je connais. Mais la pratique est assez libre. Assez peu de corrections sont donnés par les remplaçants, laissant plus de place à l’expérimentation. L’ambiance y est cependant chaleureuse et relativement bon-enfant. Chacun des élèves ayant cependant des formes parfois assez personnelles.
À la fin des cours, les élèves disposent d’un temps de travail libre. Et nous discutons avec Mori-san et avec Ogawa senseï qui nous a fait une visite avant de repartir pour la France y rechercher Tanimoto senseï.
Pratique de l’aïkido avec Irie senseï.
C’est le troisième club que j’ai expérimenté lors de ce séjour à Kyoto. Je dois dire que c’est le plus différent et le plus déroutant de tous. Je peine à trouver son dojo. Situé non loin de l’aquarium de Kyoto, dans le sud ouest de la ville, il est à l’opposé de là où je loge. Heureusement, à l’arrêt de bus, quand je demande mon chemin à quelqu’un sortant d’une boutique, il m’accompagne jusqu’à l’entrée du dojo, situé à quelques minutes de là.
Irie senseï commence sa pratique par un long échauffement. Puis par l’émission des sons u o a e i qui viennent du kotodama. Je participe à son stage au Butokuden le dimanche 14, en compagnie de Kevin, un alsacien qui est ici pour trois semaines.
La pratique est très souple, basée sur le ki-nagare, la conduite du ki. Nous sommes loin de la contrainte des clés, ici tout est basé sur le souffle et l’énergie. C’est très intéressant, et pourrait paraître un peu déroutant. D’ailleurs, nous sommes assez peu d’étrangers.
Irie senseï est un élève de Tada senseï. Tada senseï, qui va bientôt avoir 90 ans, est l’un des derniers élèves directs de Morihei Ueshiba. Il a longtemps enseigné au Hombu dojo. Mais surtout, il a développé une forme de méditation issue du kotodama, à laquelle il a donné le nom de ki no rema (気の錬磨 « développement du ki »).
C’est cette méditation tout à fait particulière que nous expérimentons à la fin du stage. Deux cercles sont formés par les pratiquants. Le cercle intérieur regroupe les élèves les plus expérimentés qui s’assoient en lotus ou en demi-lotus. Un deuxième cercle est formé par les élèves moins aguerris qui entourent le premier cercle, tout en se donnant la main. Puis chacun va se mettre à méditer, tout en chantant les sons u o a e i, issus du kotodama. Cette méditation est rythmé par quelques sons de cloche, mais l’esprit ne peut se concentrer sur autre chose que les sons, et se laisse peu à peu guider par les voix. De l’ensemble ressort une concentration et un effet tout à fait particulier. Certains participants entendront d’autres voix, comme celle de soprano, qui se seraient associés à la méditation, à moins que ce ne soit des harmoniques créées par les chants.
Nous allons ensuite faire la fête dans un izakaya, et la soirée n’est pas moins mémorable que le stage lui-même. Bière et consommations à volonté, accompagnées de nombreux plats.
Cette expérience de l’aïkido à Kyoto est aussi diverse qu’enthousiasmante. Je n’ai eu qu’un bref aperçu de ce qui se pratique et je n’ai évidemment pu me perfectionner dans aucune de ces « écoles », mais cela a été passionnant.
Et vous, laquelle de ces pratiques vous attire le plus ? N’hésitez pas à me laisser un commentaire.
P.S. Si vous voulez pratiquer l’aïkido dans ces clubs, n’oubliez pas de prévenir de votre venue en annonçant le nombre de personnes présentes. Les dojos sont parfois étroits et les senseïs souhaiteront vous accueillir dans les meilleurs conditions.