Excursion à Uji.
Uji est une charmante petite bourgade située à seulement quelques kilomètres au sud-est de Kyoto. Elle offre un agréable dépaysement par rapport à l’ancienne capitale voisine. Sa découverte mérite largement une petite excursion d’une demi-journée, voire même d’une journée. Car elle dispose en effet de nombreux attraits. D’une part les thés de la région sont connus et appréciés dans tout le Japon, et même au-delà. D’autre part, Uji possède plusieurs superbes temples bouddhistes, le Byôdô-in et le temple zen Kôshô-ji. Mais également plusieurs sanctuaires shintô remarquables, dont l’un des plus anciens, le Ujigami-Jinja méritent largement le détour.
La ville accueille aussi le Musée du Dit du Genji. Car c’est à Uji que se déroule la troisième partie du Dit du Genji. La renommée de ce chef d’œuvre de la littérature japonaise dépasse largement l’archipel Nippon. Ce texte écrit au XIe siècle par la poétesse Murasaki Shikibu n’a pas d’équivalent dans tout la littérature universelle, selon l’écrivain argentin Jorge Luis Borges.
Se rendre à Uji.
Uji est situé à une quinzaine de kilomètres au sud de Kyoto. Elle est accessible par le train depuis la gare de Kyoto. Pour cela, il suffit d’emprunter la ligne JR de Nara, ou la ligne Keihan. Le trajet prend de 20 à 30 minutes, en fonction de si vous avez un train direct ou local.
Malgré son faible éloignement de Kyoto, le dépaysement est au rendez-vous. Même si l’agitation de Kyoto n’a pas de commune mesure avec elle de Tokyo, cela reste une grande ville. L’ambiance à Uji est très différente de l’agitation de Kyoto. Les maisons à deux étages présentent de petits jardins potagers au milieu de la ville. Elle permet de se détendre dans un cadre très agréable, au bord de la rivière Uji et adossé à une colline. Il faut compter une journée si on veut pleinement en profiter de toutes les attractions qu’offre la ville.
Troisième partie du Dit du Genji à Uji.
Je profite du trajet en train pour tenter de me remémorer cette troisième partie du Dit du Genji. Je me souviens qu’elle est caractérisée par l’absence du héros principal. En effet, elle débute huit ans après l’entrée en religion du Genji, qui correspond à sa sortie du monde. Et les règles implicites de l’époque empêchent Murasaki Shikibu de rien nous dire de plus sur ce personnage à partir de cet événement. La dernière partie est ainsi l’histoire des deux descendants du Genji.
D’un côté, le Prince Tiers est le fils de l’empereur Kinjô no Mikado et de la demoiselle d’Akashi, fille du Genji et de la Dame d’Akashi. Il est aussi appelé Prince Parfumé, car il s’adonne à l’art de la création des parfums. C’est un garçon insouciant et séducteur, qui aime à s’amuser et à séduire les femmes. À l’opposé, le Commandant Suave, appelé Kaoru, est issu d’une liaison illégitime entre le Genji et la Princesse Troisième (Onna san no myia). C’est un garçon rangé et pondéré, d’une maturité précoce et aux tendances mélancoliques. Les doutes quant à la véritable identité de son père ne cessent ainsi de le ronger.
Les superbes illustrations de l’édition de luxe de Diane de Selliers me reviennent en mémoire. Les images servant d’illustration au Dit du Genji forment un genre à part dans la peinture japonaise, les genji-e, les images du Genji, qui ne cessèrent de s’épanouir depuis leur apparition au XIIe siècle et ce jusqu’au XVIIe siècle, soit pendant plus de 500 ans.
Agata Jinja et la princesse Konohanasakuya.
Une petite promenade de quelques minutes me conduit au sanctuaire shintô d’Agata-jinja. Il est désert, mais ne manque pas d’un certain intérêt. Les lanternes qui le décorent offrent un curieux décor. Comme souvent dans les sanctuaires, un arbre est vénéré comme sacré, et entouré d’une corde et de petites bandelettes. Ici, c’est la princesse nommée Konohanasakuya qui est vénérée.
Décrite dans le Kojiki (Littéralement : recueil des choses anciennes, c’est l’un des livres de référence du shintô) comme la fille d’Ohoyamatsumi et la femme de Ninigi. Elle est la princesse-fleur, symbole de la vie terrestre délicate, dont le représentation est la fleur de cerisier. La légende raconte qu’elle eut trois fils avec Ninigi. Mais ce dernier était particulièrement jaloux. Il douta de la fidélité de son épouse. De désespoir, elle mit le feu à leur hutte, tout en mettant en place un rituel prouvant la paternité des ses fils. C’est pourquoi, elle est également considérée comme la princesse du feu.
Cette divinité protège le Byôdô-in depuis que le samouraï Fujiwara no Yorimichi a transformé sa villa en temple en 1052. Il appartient au célèbre clan Fujiwara, qui a toujours été très proche de la famille impériale et d’une grande influence pendant des siècles. Fujwara no Yorimichi est celui qui fit construire la salle de Phœnix du Byôdô in.
L’entrée du bâtiment principal est ornée de deux superbes Komaïnu. Cette créature fantastique entre le chien et le lion est censée protéger le temple des esprits néfastes.
Le Byôdô-in et le clan Minamoto (Genji).
Je quitte le sanctuaire et remonte la rue sur une centaine de mètres. J’arrive à une petite entrée qui s’ouvre au milieu du mur d’enceinte, relativement bas et sobre. Je prends mon billet d’entrée de 600 Y à l’accueil, et c’est seulement au premier tournant que je découvre la porte qui délimite l’entrée du Temple. J’admire mes premiers momijis, qui commencent à peine à se colorer de roux.
Un volée de marches descend vers le temple que l’on découvre par la face arrière. D’autres bâtiments bordent le chemin, et notamment celui qui abrite la tombe de Minamoto no Yorimasa (1106-1180). Ce samouraï et poète se donna la mort par seppuku lors de la bataille d’Uji pour ne pas être fait prisonnier par l’ennemi. Son suicide est resté célèbre. Il servit de modèle et l’on peut dire, avec un mauvais jeu de mots, qu’il ouvrit la voie à ce type de pratique. Il faut noter que Minamoto (源) se lit gen en lecture chinoise on’yomi. Le clan Minamoto devient Genji (源氏), faisant ainsi référence au Dit du Genji, omniprésent à Uji.
Le pavillon du Phœnix et le bouddha Amida.
Le bâtiment principal du Byôdô-in est le pavillon du Phœnix. Il a été construit en 1053 par le samouraï et dignitaire de la cours Fujiwara no Yorimichi. Cette habitation était auparavant la résidence de Minamoto no Tōru (822-895), poète et homme politique de l’époque de Heian. Selon certains, ce dernier aurait servi de modèle pour Hikaru Genji, le Genji radieux, héros du Dit du Genji.
Le pavillon du Phœnix porte ce nom à cause de la configuration de son bâtiment principal et de ses deux ailes qui font penser à l’oiseau mytique, également réprésenté sur le toit. Le pavillon central est actuellement en rénovation. Mais on peut néanmoins admirer la superbe statue de Bouddha Amida accompagnée de deux boddhissatvas. Le hall est orné de délicates fresques qui décorent les murs. Il faudra cependant débourser 300 Y supplémentaires pour un quart d’heure de visite, sachant par contre qu’il est interdit de prendre des photographies.
L’école de la « Terre Pure ».
Un petit chemin longe la pièce d’eau dit de la « Terre Pure » sur lequel se reflète le Byôdô-in. La « Terre Pure » est en effet une des écoles les plus importantes du bouddhisme mahâyâna. Sa caractéristique principale réside dans la foi inaltérable dans le bouddha Amida. La récitation de sutra en son nom est censée ouvrir l’accès à la « Terre Pure », l’Univers Occidental de Béatitude dont le courant tire son nom. C’est de l’autre côté de ce petit étang que le Byôdô-in est le plus souvent immortalisé, en particulier sur les pièces de 10 Yens.
Le tour du Temple se termine par la visite du Musée et de la contemplation du jardin depuis l’engawa.
La rivière Uji.
Il est temps de redescendre des hauteurs de la « Terre Pure » que nous n’atteindrons que difficilement dans cette vie, pour retrouver la foule qui déambule dans les petites ruelles et le long de la rivière Uji. En été, vous pourrez profiter d’une balade en bateau et peut-être assister ainsi à la pêche au cormoran. Cette technique de pêche traditionnelle s’appelle l’ukai. Elle était très courante à la période de Nara et fait aujourd’hui l’attraction des touristes et des visiteurs durant les mois d’été, à savoir de mi-mai à mi-octobre. À la nuit tombée, les pêcheurs disposent des grandes flammes au bout de perches pour attirer les poissons. Les cormorans attachés par des fils plongent dans le courant pour attraper les truies japonaises qui passent à leur portée. Des ligatures autour du cou les empêchent d’avaler les proies les plus grosses.
Le thé vert d’Uji.
En traversant la rivière, un peu sur la droite, vous trouverez le Fukujuen sur les thés d’Uji. C’est à la fois un Musée, un atelier, un lieu de dégustation, de vente et de démonstration de cérémonie du thé.
Uji est en effet renommé pour produire les meilleurs thés matcha du Japon, et aussi les plus chers. Toujours est-il que c’est l’occasion ou jamais d’apprendre à faire la différence entre un sencha, un matcha et un gyokuro. Ne vous inquiétez pas, une fois que vous les aurez vus et goûtés, vous ne pourrez plus vous tromper. Le matcha est une poudre d’un vert très vif qui se mélange directement dans le bol et donne un thé amer au goût très prononcé. Le sencha affiche des feuilles longues et fines et son infusion diffuse un goût délicat et frais. La feuille du gyokuro est beaucoup plus sombre et son parfum très subtil en fait la fleur des thés.
Le Uji-jinja et Ujigami-Jinja.
Je remonte la pente qui conduit tout d’abord au sanctuaire d’Uji, puis à l’Ujigami-shinja. Les deux faisaient partie du même complexe à l’origine. L’Ujigami-jinja est réputé pour être l’un des plus anciens sanctuaires de l’archipel. Il célèbre la mémoire de Uji no Wakiiratsuko qui s’est donné la mort pour forcer son frère aîné à accéder au trône.
Le bâtiment principal est caractérisé par un toit à pignon très asymétrique qui se prolonge vers l’extérieur de manière disproportionné sur le côté ouvert aux pèlerins. Nous retrouvons un arbre sacré, ainsi qu’une pierre sacrée, entourés de cordes et de bandelettes. Un petit tas de sable, identique aux jardins sec des temples zen orne également les devants du temple.
Je tente de monter les pentes du mont Buttoku qui démarrent au pied du sanctuaire. Mais en raison des récents typhons, des arbres se sont effondrés. Et le chemin qui offre normalement une superbe vue sur la ville est malheureusement fermé au public.
Le musée du Genji et la statue de Murasaki Shikibu.
Je passe l’entrée du Musée du Dit du Genji qui pour la modique somme de 500 Y présente de nombreux accessoires, coiffes, éventails, ainsi que de nombreuse évocations de la vie de la cour à l’époque Heian (794 à 1185). Trois décors mettent en scène trois chapitres de la troisième partie du roman, celle qui se passe justement à Uji. La bibliothèque quant à elle recèle plusieurs milliers d’ouvrages sur le Dit du Genji. Ce qui fait de ce Musée un lieu incontournable pour tous les amoureux de ce roman exceptionnel.
Puis je redescends vers la rivière où une superbe statue de Murasaki Shikibu trône au milieu de sa longue chevelure, rappelant l’omniprésence du Dit du Genji dans la ville.
Dégustation dans un kaitenzushi.
Je retraverse les rues commerçantes, où les restaurants avoisinent les pâtisseries proposant de nombreuses friandises au thé matcha.
Je m’arrête dans un kaitenzushi pour déguster d’excellents sushis et sashimis. Ils défilent devant moi sur un tapis roulant, précédés d’étiquettes indiquant leur prix. Je pourrais me servir directement, mais je préfère commander au moyen d’une tablette tactile située devant moi. Elle dispose heureusement d’une version anglaise. Malgré cela, la variété et la diversité de poissons et de fruits de mer proposés est impressionnante, et pour la plupart, je n’en comprends pas les appellations.
Je termine évidemment mon repas par une petite glace au matcha, l’un des desserts incontournables d’Uji.
Retour à Kyoto et visite de la gare.
Je retourne à Kyoto et je m’attarde un peu pour observer l’impressionnante verrière de la gare de Kyoto. L’immense centre commercial offre plusieurs étages de commerces. Je déambule au milieu des étalages de denrées alimentaires, de bentos et de gâteaux, de tsukemonos et de souvenirs dans les sous-sols. Le centre se déploie également sur une dizaine d’étages et propose une grande diversité d’articles de toutes sortes, vêtements, sacs, vaisselles, jouets, etc.
Je ressors et tombe nez à nez avec la tour de Kyoto, qui domine cette partie Sud de la ville.
Connaissez-vous le Dit du Genji ? L’avez-vous lu ? Qu’en avez-vous pensé ? N’hésitez pas à laissez un commentaire.
P.S. Cet article dispose d’un lien d’affiliation AMAZON qui permet de commander directement le livre du Dit du Genji, ou d’autres articles. Sachez qu’en passant par notre site, nous touchons une petite commission qui nous encourage pour continuer à vous fournir des informations et du contenu de qualité.
Le Dit du Genji de Murasaki-shikibu illustré par la peinture traditionnelle japonaise