Urashima Taro - Conte japonais
Esprit Japonais

Urashima Taro : Conte japonais

Urashima Taro est un des contes les plus populaires au Japon. Tous les Japonais, des plus petits aux plus grands, le connaissent et l’apprécient. Il raconte l’histoire de ce pêcheur qui est allé visiter le palais du roi de l’océan sur le dos d’une tortue. Je vous propose tout d’abord une traduction inédite d’après la version japonaise de Sayumi Kawauchi. Et je vous en livrerai ensuite mon interprétation.

1/ Le conte d’Urashima Taro.

a) Le quotidien d’Urashima Taro

Il y a très très longtemps, habitait dans quelque endroit un pêcheur du nom de Urashima Taro.

Tous les jours, il sortait en mer et pêchait du poisson. C’était sa vie. Une vie de pauvreté.

Taro, qui avait un cœur simple et enfantin, aimait beaucoup s’inventer des rêves.

Il imaginait par exemple prendre plus de poisson. Ou alors tout en contemplant la mer, il se disait : « J’aimerais bien être un poisson ».

En tout cas, il aimait penser, encore et encore. Et il était vraiment très content de cela. À longueur de temps, il ne faisait que s’inventer ce genre de rêves.

Urashima Taro - Conte japonais
© Illustration : Sandrine Cormontagne

b) L’esprit simple et généreux d’Urashima Taro

Or, il arriva qu’un jour, Taro, en revenant de la mer, aperçut des enfants qui tripatouillaient bruyamment quelque chose sur la grève.

Il se rendit compte qu’ils embêtaient une jeune tortue qu’ils avaient attrapée.

« Et vous, bande de vauriens, arrêtez d’embêter cette faible chose ! »

Taro sauva la tortue et lui dit en la remettant dans la mer :

« Allez, rentre chez toi ! Et fais bien attention ! Ne te fais pas attraper une deuxième fois ! »

Taro, au cœur simple, contempla pendant des heures et des heures la mer où la tortue était repartie.

c) La gratitude de la tortue

Sa vie continua ainsi pendant des années. Or, tout en pêchant, Taro pensait « J’aimerai bien ressembler à une mouette », ou ce genre de choses. C’est alors qu’apparut justement la tortue que Taro avait sauvée il y a bien longtemps.

«  Monsieur Taro, je vous remercie sincèrement pour ce que vous avez fait ! Pour vous exprimer toute ma gratitude, allons visiter un magnifique palais au fond des mers. Là-bas, il y a ce que l’on appelle le Temple du Dragon. C’est un superbe endroit, entouré de très belles fleurs de mer. Alors, on y va ? Je vous en prie, montez sur mon dos ! »

d) La descente au fond des mers

Urashima Taro : conte japonais
© Illustration : Sandrine Cormontagne

La tortue installa Taro sur son dos et lentement commença à nager dans la mer.

« Waouh ! »

Taro était émerveillé de découvrir la beauté du monde sous-marin. Là, se trouvait un endroit merveilleux semblables aux rêves de Taro. Par ici, par là, de tous les côtés, fleurissaient de superbes fleurs de mer. « C’est vraiment très beau ! » En voyant Taro s’extasier de la sorte, le visage de la tortue s’éclaira de bonheur.

« On se croirait vraiment dans un rêve » pensa Taro.

e) L’apparition d’Otohime

Bientôt, Taro arriva dans un jardin tout rempli de coraux brillants et lumineux. Il était ébloui et ses yeux n’arrivaient pas à s’habituer. « Que… qu’est-ce ? C’est vraiment un endroit splendide ! » s’écria-t-il spontanément en regardant autour de lui.

« Alors, c’est comme ça ? »

La montagne de coraux se mit à bouger lentement et un escalier de perles apparut. Et alors, à l’endroit même, une superbe princesse se tenait debout. C’était Otohime, la princesse du Temple du Dragon.

Tarō, extrêmement surpris, demeura sans voix, la bouche ouverte.

f) Une vie de rêve

« Soyez le bienvenu, sieur Taro. Merci d’avoir porté secours à la tortue. Je vous en prie, prenez vos aises, vous avez tout le temps !

« Oui, euh… mais… »

Taro était très gêné de la proposition de la superbe Otohime.

Tout d’un coup, Otohime toucha son lourd kimono doublé et une flopée de superbes poissons en sortirent. Ils effectuèrent une danse en papillonnant autour de Taro.

Ainsi, commença sa vie bienheureuse au Temple du Dragon. Il avait vraiment l’impression de vivre des moments délicieux, se régalant de mets somptueux, voyant des superbes danses de poissons, selon les directives de la charmante Otohime. Chacune de ses journées se passait comme si Taro était pris dans un rêve.

g) La nostalgie du pays natal

Cependant, même le plus beau des rêves ne peut pas durer éternellement. « Que devient mon village ? » « Est-ce que ma mère se porte bien ? »

Sans vraiment s’en rendre compte, le cœur de Tarō était devenu nostalgique de son village natal. L’humeur de Taro devint changeante.

Voyant que Taro avait l’air abattu, Otohime lui demanda désolée : « Sieur Tarō, vous souhaitez rentrer chez vous, n’est-ce pas ? » « Sachez que vous pouvez rester ici aussi longtemps que vous voulez, mais je vois bien que je ne peux pas vous retenir. »

En conséquence, je vous offre ce cadeau. Si vous vous trouvez dans une situation difficile, à ce moment-là, ouvrez ce coffre à trésor.

h) Le retour à la maison d’Urashima Taro

Ainsi faisant, Taro monta sur le dos de la tortue et retourna vers son village regretté.

« Princesse Otohime, je vous fais mes adieux. Et vous remercie pour tout ».

Le cœur de Taro était tout heureux à l’idée de revoir son village natal.

« Allons-y, Madame la tortue ! »

De retour au village, il aperçut toute la surface couverte de fleurs. Et Tarō était dans une grande joie. Cependant, l’apparence du village avait complètement changé. La maison de Tarō n’existait plus. Sa mère non plus n’était plus là. Et par dessus tout, il ne reconnaissait plus personne, dans aucune des maisons.

i) Le coffre à trésors

Alors que tout allait si bien quelques instants avant, où est-ce que tout est parti ? Taro ne savait pas quoi faire. À ce moment-là, il se souvint du coffre à trésors que lui avait donné la princesse Otohime. « Ah, le voilà. Et si je l’ouvre, que va-t-il se passer ? » Tout en se posant la question avec angoisse, Taro ouvrit le coffre à trésors.

Et alors.. il se passa quelque chose d’étrange. Depuis l’intérieur du coffre à trésor, s’élevait une fumée branche qui ne voulait pas sortir. Et, en l’espace d’un instant, Urashima Taro devint un vieillard à la barbe blanche.

Ainsi, les jours heureux que Taro avaient passé dans le Temple du dragon avaient duré des centaines d’années terrestres. Et Tarō se demandait si le monde merveilleux du fond des mers était un rêve, ou bien si au contraire, c’était le monde dans lequel il vivait qui était un rêve. Et il ne comprenait vraiment plus rien du tout.

Urashima Taro - Fin
© Illustration : Sandrine Cormontagne

2/ Mon interprétation du conte Urashima Taro.

a) Un pays merveilleux

Dans la méditation, on utilise souvent l’image d’un lac, ou d’un océan en l’occurrence. Plus on descend profondément dans le silence des profondeurs, plus l’agitation disparaît. On finit par trouver un grand calme. Qui ne peut pas être troublé par les agitations en surface. La tempête peut faire rage en surface, rien ne vient plus troubler le calme intérieur qui se trouve au plus profond. Les deux peuvent d’ailleurs co-exister.

Ainsi en allant encore plus avant dans les profondeurs, il se trouve une porte qui ouvre sur un pays merveilleux.

b) Comment trouver la porte ?

Mais rares sont ceux qui accèdent à ce pays merveilleux. Comme on le voit dans le conte d’Urashima Taro, cela demande quelques préalables. Tout d’abord Taro est dans un état méditatif constant, face à la mer. Il passe toutes ses journées perdu dans ses pensées, il rêve, on pourrait dire qu’il médite. D’autre part, il n’a aucune préoccupation mondaine, aucun désir d’argent ou d’autre réussite sociale. Il vit modestement, seul.

Taro est un cœur simple et généreux. C’est dit plusieurs fois dans le conte. Il ne fera pas de mal à une mouche. C’est illustré dans le passage où il sauve la tortue, qui est d’ailleurs le seul passage où Taro est actif. Sinon, c’est réellement l’anti-héros par excellence. Puisqu’il ne veut rien.

c) Sortir du manque

Mais il est certain qu’il ressent un manque. On dit en effet qu’il vit dans la pauvreté. Mais on ne dit pas de quel genre de pauvreté il s’agit. Est-ce un manque d’argent ? En tout cas, cela n’a pas l’air de poser un problème à Taro. Et s’il s’agissait d’un autre genre de pauvreté ? La pauvreté est le symbole même du manque. Mais de quoi peut-on manquer ? Car en réalité, il n’y a qu’un seul besoin, être heureux et en paix. C’est peut-être justement ce besoin que Taro cherche à combler. À sa manière.

Tarō ne recherche aucun bien matériel, ni rien qui fasse partie de ce monde. Pourtant, il aspire à autre chose. Il aimerait être un poisson. Qui comme on le sait est heureux comme un poisson dans l’eau. Puis il émet le souhait d’être une mouette. Il n’est pas dans son élément, et vise clairement un changement d’état. Mais comment changer son être-même ? Taro reste pendant des années à méditer. Et il aurait pu continuer encore des années et des années. Car cela ne suffit pas.

d) La plongée dans les émotions

Taro n’arrête pas de rêver face à la mer. L’eau symbolise les émotions, et au fond de l’océan se trouve le Temple du Dragon, qui est le roi des océans. Et donc l’émotion la plus forte qui est bien évidemment la peur. On ne le dit pas explicitement, mais Taro doit affronter ses peurs les plus profondes. Il n’est pas possible de le faire tout seul. Il a besoin d’un guide. Heureusement, la tortue va lui servir de guide.

Le monde dans lequel Taro s’aventure est hors du temps. Son voyage est comme un rêve. Mais un rêve heureux. Et il va durer plus qu’il ne le pense.

Mais surtout, il ne devra emmener aucun regret de son monde ancien avec lui. Car son désir de retourner va faire cesser le rêve. Il faut donc arriver à abandonner tout désir et tout regret.

Car à son retour, il se sera passé plusieurs dizaines d’années, là où il avait semblé à Taro ne durer que quelques jours.

e) Les deux mondes incompatibles

Mais on le voit bien, les deux mondes sont incompatibles. Le regret du pays merveilleux du fond de l’eau va encore être plus fatal à Taro dans l’autre sens. Car ils vont lui faire ouvrir le coffret. Qui ne contient rien. Mais qui va le faire devenir un vieillard avec une barbe blanche. Certains y voient une malédiction. J’y vois plutôt le signe de la sagesse et de la maturité.

Son aventure passée au fond de l’océan lui fait se poser une question, qui est LA question du conte : le monde que nous vivons ne serait-il pas un rêve ou une illusion ? Même si le personnage semble un peu perdu et pas très sûr de la réponse, poser la question, c’est déjà en partie y répondre.

Vous avez maintenant tout pour explorer les profondeurs de l’océan… de la conscience. Mais attention à ne pas vous perdre pendant trop de temps dans ce pays merveilleux, sinon vous ne reconnaîtrez plus rien ni personne de votre village. Et si vous aimez les contes, vous aimerez sûrement Koji et le maître d’armes.

Alors, est-ce comme cela que vous aviez compris le conte d’Urashima Taro ? Quelle est votre interprétation ?

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